Actualité

Il fallait oser… Lors d’une récente émission littéraire ¹, quelques écrivains furent invités à citer, d’une part, le classique qu’ils révèrent, et, d’autre part,  le classique qu’ils estiment surestimé ou illisible. Philippe Besson – à ne pas confondre avec Patrick Besson, romancier de talent – a indiqué  qu’à ses yeux le classique surfait n’est rien d’autre que… Voyage au bout de la nuit.  Et d’ajouter que, s’il citait ce livre-là, il eût pu prendre n’importe quel autre roman de l’écrivain. C’est bien le droit à quiconque de ne pas apprécier Céline. Mais comment diable est-il possible de porter un jugement sur un livre dont on dit qu’il vous est toujours « tombé des mains » et que, par conséquent, on n’a pas lu ?  Cela n’a pas  empêché ledit Besson d’enchaîner les habituels clichés anticéliniens : « nihilisme absolu, mécanique de la haine, style lassant fait de procédés, etc. ».  Sans doute conscient de l’énormité de ses propos, il  essaya de  trouver un soutien auprès  de  Charles Dantzig, également présent sur le plateau, qui,  dans un livre que nous avons commenté ², compare la ponctuation célinienne aux klaxons d’un chauffeur de taxi (!). Il considère en outre que Céline n’a stylistiquement rien inventé, les fameux trois points se trouvant déjà dans l’œuvre de Jules Laforgue.

Laforgue ici, Scribe là… Ces littérateurs ne s’aperçoivent-ils donc pas que le style célinien ne se réduit pas à cela ?  Cette absence de clairvoyance étonne.

Toujours à propos du Voyage, un abonné m’envoie un DVD : un thriller réalisé en 2006 par le réalisateur américain Eric Eason. Son titre : Journey to the end of the night 4. Aucun rapport évidemment avec le livre. Est-on, par ailleurs, certain que feu Jim Morrison, chanteur des Doors, rendait hommage à Céline dans sa chanson End of the night ? On me signale, par ailleurs, un CD d’un groupe norvégien, Green Carnation, intitulé, lui aussi, Journey to the end of the night. Pas davantage de rapport avec le roman, contrairement à ce que vous lirez peut-être ici et là. On ne prête qu’aux riches…

Marina Alberghini m’annonce la parution prochaine de son livre sur Céline ³. Il ne se passe décidément pas un mois sans que l’écrivain ne soit dans l’actualité littéraire. Outre le petit Bulletin que vous avez entre les mains, on sait que les céliniens disposent également de deux revues entièrement consacrées à leur écrivain de prédilection 4. Autant de signes qui montrent, n’en déplaise aux tristes détracteurs, que l’œuvre de Céline est plus vivante que jamais.

  1. Émission La Grande Librairie de François Busnel, France 5, 12 mars 2009. Heureusement il se trouvait sur le plateau d’autres écrivains, comme Frédéric Beigbeder, Régis Jauffret et Alain Mabanckou qui ont expliqué en quoi Voyage au bout de la nuit est un grand livre.
  2. Charles Dantzig, Dictionnaire égoïste de littérature française, Grasset, 2005. Voir BC n° 269, novembre 2005, p. 3.
  3. Marina Alberghini, Louis-Ferdinand Céline, gatto randagio, Ed. Mursia, 2009.
  4. Il s’agit, on le sait, des revues L’Année Céline, publiée par les éditions du Lérot, et Études céliniennes, éditée par la Société d’Études céliniennes. À ce propos, la diffusion des publications de la SEC par le Bulletin n’a pas l’heur de plaire à un internaute qui ne précise pas à quel titre il intervient sur ce sujet. De manière récurrente, il se répand sur Internet pour inciter les amateurs à se procurer ces ouvrages auprès de la librairie parisienne (dépositaire des publications de la SEC) plutôt qu’auprès du Bulletin célinien. Au moins le trésorier de cette société se réjouit-il, on peut l’espérer, que le BC contribue, de manière substantielle, à la vente des ouvrages qu’elle édite.