Opprobre

C’est finalement en Italie qu’aura lieu le prochain colloque de la Société d’études céliniennes ¹ . Christian Combaz, nouveau directeur du Centre culturel français de Milan, se dit enthousiaste à l’idée d’accueillir le colloque en juillet 2008. Ce centre est placé sous la tutelle de l’ambassade de France. À titre posthume, l’écrivain se voit ainsi mieux traité qu’il y a plus d’un demi-siècle par une autre ambassade de France, au nord de l’Europe celle-là.  Le temps a passé…

Voyage  au cinéma (suite).  Dans un entretien accordé  à  un journaliste suisse, Michel Audiard (1920-1985) évoque les adaptations cinématographiques de romans :  « Céline, on n’a finalement pas osé, vous comprenez, parce que la littérature à ce niveau-là, on ne peut que saloper le coup. Je suis ravi que le Voyage se soit jamais tourné, tout à fait entre nous. J’ai poussé des cris horribles, à ce moment-là, en disant que les producteurs étaient tous des abrutis de ne pas faire le Voyage, mais Dieu merci, on ne l’a pas fait : on se serait ridiculisé pour la postérité » ² .

Pertinent commentaire de P.-L. Moudenc, à propos du livre Enquête sur le roman : « Je ne crois pas, pour ma part, que le génie ou même le talent se puissent mettre en équation. Que l’innovation, dans le domaine littéraire, naisse d’un plan concerté. Quand Céline écrit le Voyage, il n’a nulle conscience de révolutionner le roman, il se croit disciple d’Eugène Dabit et des populistes. Sa « petite musique » ne vient pas du moindre calcul. Et ce sont ses tripes, non son cerveau, que le romancier doit, à l’en croire, mettre sur la table » ³ .

Nombreux sont les articles qui, de 1932 à aujourd’hui, ont eu pour titre « Le cas Céline ». En voici un nouveau. Enfourchant son dada, Pierre-André Taguieff écrit : « À travers le cas Céline, on peut observer comment l’un des principaux mythes politiques modernes, celui de la conspiration des Illuminati, des “judéo-maçons” ou des “Sages de Sion”, est passé à la littérature. Le grand récit conspirationniste moderne, mythe d’accusation qui prétend offrir une clé de l’histoire (“Les Juifs mènent le monde”), illustre le délire d’interprétation qui est ordinairement donné pour l’une des caractéristiques de la paranoïa ». Cela se poursuit sur une vingtaine de pages au bout desquelles Taguieff affirme que Céline ne propose « pas une esquisse de solution des questions sociales et politiques dont il s’empare » 5 . Nul doute que le zélateur du « communisme Labiche » eût vigoureusement contesté cette assertion !

  1. Pour plus de renseignements, écrire à François Gibault, président de la SEC, 3 rue Monsieur, 75007 Paris.
  2. DVD Michel Audiard, éd. Gaumont, 2002. Réalisation : François-Régis Jeanne et Stéphane Roux, auteurs du documentaire « Michel Audiard et le Mystère du Triangle des Bermudes ».
  3. Arnaud Bordes, Stephan Carbonnaux, Serge Takvorian, Enquête sur le roman, Éd. Le Grand Souffle (24 rue Truffaut, 75017 Paris), 2007, 383 pages (19,90 €). L’article de P.-L. Moudenc, « Quand la gent littéraire est de la revue », a paru dans Rivarol, 20 avril 2007.
  4. Pierre-André Taguieff, « Le cas Céline. L’imaginaire du persécuté et la réécriture du mythe conspirationniste » in Études d’histoire de l’ésotérisme. Mélanges offerts à Jean-Pierre Laurant (sous la direction de J.-P. Bacri et J. Roussel-Lacordaire), Éditions du Cerf, coll. « Patrimoines », 2007, pp. [281]-302.
  5. « Les Beaux draps  […] proposent un catalogue de mesures pour le redressement national » (Philippe Roussin, Misère de la littérature, terreur de l’histoire. Céline et la littérature, Gallimard, 2005, p. 471).