Au moment où ce Bulletin vous parvient, le colloque Louis-Ferdinand Céline se tient à Paris. Cette 20ème édition m’offre l’occasion de saluer, une fois encore, ces céliniens émérites qui, à la suite d’un colloque oxfordien (1975), décidèrent de créer, l’année suivante, une Société d’études céliniennes. Son but ? « Réunir, en dehors de toutes passions politiques ou partisanes, tous ceux qui, lecteurs, collectionneurs ou chercheurs, s’intéressent à l’œuvre de Louis-Ferdinand Céline et de favoriser par tous moyens la connaissance de l’œuvre de l’écrivain ».
Outre Antoine Gallimard, quatre personnalités (qualifiées depuis « céliniens historiques ») en furent les fondateurs : Philippe Alméras ¹, Jean-Pierre Dauphin (†), François Gibault et Henri Godard. Étonnamment, celui-ci, dans un livre qui évoque précisément ces années ², n’en fait pas état alors même qu’il mentionne Dauphin ³, à la base, dès le début des années 70, du renouveau des études céliniennes.
S’il convient de se méfier des inconditionnels de Céline (qui ont tendance à l’exonérer en tout), il faut tout autant se garder de ceux qui versent dans un « militantisme citoyen ». Lequel ne fait pas toujours bon ménage avec l’approche littéraire. Ainsi, une nouvelle génération de célinistes s’est levée pour dénoncer ceux qui cèdent « à la fascination que peuvent susciter Céline et son œuvre » 4. Fasciné, le lecteur de Céline devient rapidement suspect. On s’éloigne ainsi d’une certaine sérénité qui présidait aux premiers âges de la société. François Gibault, lui, s’est toujours placé au-dessus de la mêlée, entretenant les meilleures relations avec les uns et les autres 5.
Le thème du dernier colloque, Céline et l’enfance, est assurément prometteur si l’on en juge par quelques intitulés de communications : « Lire Shakespeare dans Guignol’s band » ; « L’enfant comme enjeu politique dans Les Beaux draps de L.-F. Céline » ; « Les utopies contre-éducatives céliniennes » ; « Entre apocalypse et utopie : les scènes d’enfant dans la trilogie allemande » ; « Céline – Fellini : l’enfance des visionnaires » ; etc.
Ce colloque sera pour moi l’occasion de renouer des liens avec les membres de cette confrérie singulière que l’on nomme les céliniens. Il en existe autant de sortes que de variétés de plantes d’appartement. Au moins s’accordent-ils tous sur un point : l’attachement à une œuvre qui n’a pas fini de susciter commentaires et exégèses — phénomène qui contredit ceux qui, tel Montherlant, lui prédisaient un retentissement éphémère.
- Il en fut le premier président. Il signe dans ce numéro un point de vue qui lui est propre. Les deuxième et troisième furent André Lwoff (†) et Gérald Antoine (†). Depuis 1987, le quatrième président est François Gibault qui est aussi le conseil de Lucette Destouches.
- Henri Godard, À travers Céline, la littérature, Gallimard, 2014.
- Dès 1974, Jean-Pierre Dauphin confia un important fonds documentaire à l’Université Paris VII (Jussieu), à charge pour elle de créer et d’ouvrir au public une « Bibliothèque L.-F. Céline ». En avril 1977, sa rencontre avec Pascal Fouché aboutit à la création d’une nouvelle association, la « Bibliothèque de littérature française contemporaine» (BLFC), tandis que la « Bibliothèque Louis-Ferdinand Céline » était placée sous la direction de Henri Godard.
- Isabelle Blondiaux, « Pourquoi lire Céline ? » in Céline et l’Allemagne (Actes du Dix-neuvième colloque international Louis-Ferdinand Céline), Société d’études céliniennes, 2013, p. 60.
- Dans son dernier livre, Libera me (Gallimard, 2014), conçu comme un abécédaire, il évoque la SEC dans un article consacré à André Lwoff : « Il nous fallait un porte-drapeau, surtout qu’à l’époque s’intéresser à Céline était encore suspect. (…) Un Nobel à notre tête, membre de l’Académie des sciences et de la Française, grand-croix de la Légion d’honneur, nous avions de quoi clouer quelques becs. ».