Avec son livre ¹, David Alliot comble opportunément une lacune : il n’existait à ce jour pas de biographie « synthétique » de Céline. Celle de Frédéric Vitoux, rééditée l’année passée dans la collection de poche « Folio », fait tout de même un bon millier de pages !
Cerise sur le gâteau : cette nouvelle biographie, qui s’adresse aux néophytes, intéressera aussi les spécialistes puisqu’elle propose des inédits. D’abord, sur le plan iconographique : une photo de Céline prise en 1933 à Médan (pas celle, très connue, figurant en couverture de ce numéro), et une autre, à Korsør, en compagnie de Thorvald Mikkelsen. En outre, neuf lettres inédites à lui adressées sont reproduites en annexe. Nous reproduisons dans ce numéro un extrait du dernier chapitre du livre consacré à la lente résurrection de Céline. Le point culminant en est sans doute l’achat, en mai 2001, du manuscrit de Voyage à 1,7 millions d’euros, manuscrit préempté, en outre, par la Bibliothèque Nationale de France.
La citation de Marc Hanrez en couverture du précédent numéro a suscité quelques réactions. Et pour cause, puisque l’ascendance noble de Louis des Touches (de Lantillière) est un fait désormais avéré. Dans son étude consacrée à la question, Louis de Charbonnières conclut ainsi : « Les familles de la noblesse française qui peuvent revendiquer une origine aussi ancienne que les des Touches, ne se comptent pas aujourd’hui plus de quelques centaines. Louis-Ferdinand Céline, le “médecin des pauvres”, l’écrivain qui se déclarait sorti du petit peuple, était un gentilhomme de vielle race » ².
Les éditions du Dilettante ont réédité le premier livre de Marc-Édouard Nabe ³ dont la parution avait été saluée ici, en 1985, par un lecteur que séduisait cette célébration sans complexe du génie célinien. Pour des raisons personnelles, cet enthousiasme s’est sensiblement attiédi depuis mais tel n’est pas l’objet de ce commentaire. Cette nouvelle édition est augmentée d’une préface où l’ironie caustique parvient difficilement à dissimuler une certaine amertume. Il est vrai que lorsque Nabe compare sa carrière d’écrivain à celle de Houellebecq, dont il fut voisin d’immeuble, on conçoit que cela puisse susciter quelque dépit. Son talent n’est pas en cause. Cela étant, il n’est pas interdit de penser qu’il perd de son éclat lorsqu’il se plaint à la télévision des manières de son nouvel éditeur, coupable de lui avoir « coupé sa mensualité et même le téléphone » [sic]. Gageons que si Nabe vendait autant de livres que le confrère cité, on lui aurait sans nul doute maintenu l’une et l’autre. Quoiqu’il affecte de croire, l’idéologie n’a aucune incidence dans ce revirement de situation. Nabe était, on le sait, la « danseuse » de Jean-Pierre Bertrand, l’éditeur précédent. Que son successeur renâcle à assurer la continuité est dans l’ordre des choses. C’est certes désolant pour l’intéressé mais c’est la dure loi du marché. Et les prises de position pro-arabes de Nabe comptent assurément peu en regard de celle-ci.
- David Alliot, Céline, la légende du siècle, Ed. Infolio, coll. « Illico », 2006, 190 p.
- Louis de Charbonnières, « Du chevalier des Touches au docteur Destouches… La famille de L.-F. Céline », in La Revue des lettres modernes, n° 543-546, 1978, pp. 109-116.
- Marc-Édouard Nabe, Au régal des vermines, Le Dilettante, 2006, 320 p. (avec une préface inédite, « Le Vingt-septième livre »). Dernier livre paru : Morceaux choisis, Éd. Léo Scheer, 2006, 494 p.