Sur son blog, Pierre Assouline a bien voulu signaler notre numéro de juin consacré à Robert Denoël ¹. Las ! Un internaute, reconnaissable entre tous, se fend sur le forum de ce blog d’un commentaire singulièrement hargneux, concluant par ce qui se voudrait une nasarde envers « Laudelout qui se prend pour un célinien ». À ses yeux, ce bulletin ne mérite sans doute pas davantage ce qualificatif. Il ne dédaignait pourtant pas d’y collaborer activement jadis. À l’instar des Atrides, les céliniens constituent décidément une grande famille…
Francis Bergeron et Philippe Randa signent un copieux Dictionnaire commenté de livres politiquement incorrects ². Faut-il que les légendes céliniennes aient la vie dure ! Les auteurs indiquent que le docteur Destouches fut « médecin du travail à Detroit ». Plus bénin : les erreurs quant aux années de parution de Mea culpa (1937 au lieu de 1936, page 168) et de Bagatelles pour un massacre (1938 au lieu de 1937, page 173). Mais ne faisons pas la fine bouche : cet ouvrage constitue une somme appréciable sur les livres jugés « scandaleux », qu’ils l’aient été à l’époque de leur publication ou qu’ils le soient devenus plus tard. La bibliothèque de l’honnête homme (de droite), en quelque sorte…
Au micro de France-Culture ³, Pol Vandromme évoque ce temps lointain où l’une des autorités de bravoure de la presse catholique – le dénommé Pirard, père assomptionniste de son état – écrivait en toutes lettres : « Céline pue ! ». Le mérite du chrétien Vandromme aura été de s’insurger d’abord contre la censure cléricale qui, dans sa jeunesse, mettait Stendhal et Baudelaire à l’index, et ensuite contre la censure civique qui, plus tard, vouait aux gémonies Céline, Morand et Drieu pour mauvaise conduite.
Céline, personnage de roman ? L’idée n’est pas nouvelle et elle a été remise au goût du jour par un auteur suédois, Sture Dahlström (1922-2001). Voici le « pitch », comme l’on dit aujourd’hui : Monsieur Spjut a des rêves de musique et d’écriture délirantes. Ce jeune contrebassiste découvre les romans de Céline et se passionne pour l’auteur. Au cours d’un voyage au Danemark, il apprend que Céline, accusé de collaboration, s’est réfugié à Copenhague. Spjut vole au secours de son héros et l’aide à s’évader en le cachant dans sa contrebasse. Un célinien 5 a déjà salué cet ouvrage : « Mélangeant agréablement l’humour, le sexe, la musique et Louis-Ferdinand Céline, ce petit livre ravira les curieux et les amateurs de belle littérature ».
- 1. Pierre Assouline, « Le mystère Denoël », La république des livres, 31 mai 2006 (http://passouline.blog.lemonde.fr)
- Francis Bergeron & Philippe Randa, Dictionnaire commenté de livres politiquement incorrects, Éd. Dualpha, coll. « Patrimoine des lettres », 866 p. (60 €). Francis Bergeron viendra présenter ce livre le 14 octobre à Bruxelles. Les lecteurs intéressés peuvent nous contacter.
- Émission « For intérieur » d’Olivier Germain-Thomas, France Culture, 25 juin 2006.
- Sture Dahlström, Je pense souvent à Louis-Ferdinand Céline (traduit du suédois par Martine Desbureaux), Éd. Le Serpent à plumes, coll. « Fiction étrangère », 2006, pp. [9-112]. (17,90 €).
- David Alliot, « Céline dans la contrebasse » in La Presse littéraire (« Spécial Céline. Voyage au bout de l’écriture »), hors série n° 1, juillet-août 2006, pp. 76-77.