Henri Thyssens

Éditer, c’est se battre contre les lâches, les imbéciles, les sectaires, contre soi-même au besoin, et faire cela comme on accomplit une mission, comme un sacerdoce.

Belada disait : « J’édite » comme il eût dit : « Je me bats ».

Paul VIALAR

(Belada, éditeur, Del Duca, 1957)

C’est en 1979 que j’ai fait la connaissance de Henri Thyssens. Je venais d’éditer le premier numéro de feue La Revue célinienne qui cumulait de nombreuses imperfections. Il eut l’indulgence de ne pas (trop) les souligner et, au contraire,  m’encouragea à persévérer. C’est ainsi qu’une amitié est née, il y aura bientôt trente ans. Henri avait déjà commencé à s’intéresser au destin de Robert Denoël, originaire de Liège comme lui. Aujourd’hui, il lui consacre un remarquable site Internet, s’attachant à étudier sa biographie, sa production éditoriale et les circonstances mystérieuses de son assassinat ¹ . En une phrase, il a résumé sa brève existence : « Il aura été l’éditeur du plus grand écrivain de ce siècle, et l’un des hommes les plus libres de sa génération, mais sa fulgurante trajectoire s’est achevée tragiquement sous les balles d’un sicaire » ². Vous lirez dans ce numéro un entretien avec celui qui est devenu le spécialiste incontesté d’un des éditeurs francophones les plus fascinants de la première moitié du siècle passé.

Un aimable correspondant m’offre la copie d’une lettre inédite de Céline à Pierre  Hamp qui lui avait envoyé, avec une dédicace chaleureuse, son roman Kilowatt paru en 1957. Ce fut aussi son dernier livre : il mourra en 1962, un an après Céline. Voici la réponse de celui-ci, adressée à Hamp le 9 juin 1957 : « Mon Cher Ami, Vous pensez, je me suis jeté sur votre livre ! Moi si mal dormant je dois m’y reprendre… Je ne dors plus du tout ! Tant de livres sont parfaitement inutiles ! (les miens peut-être ?) les vôtres sont toujours absolument indispensables ! Vous êtes un veinard, sous les cendres atomiques, vous serez encore très vivant ! Bien affectueusement vôtre. L.-F. Céline Destouches. » Seuls les esprits obtus s’étonneront de voir Céline adresser une lettre aussi cordiale à ce romancier « prolétarien », ancien militant syndicaliste et l’un des auteurs alors les plus traduits en Union soviétique.

Marina Alberghini m’annonce  la sortie  prochaine  en Italie  de la biographie sur laquelle elle travaille depuis des années, Louis-Ferdinand Céline, gatto randagio (« L.-F. Céline, le chat errant »).  Elle  y  trace un  parallèle  étonnant  entre  la  vie et l’œuvre de Dante et celles de Céline. En annexe de son livre figurent des entretiens avec quatre céliniens – dont deux nous ont hélas quittés entre-temps – Paul Chambrillon, Pierre Monnier, Serge Perrault et Frédéric Vitoux. Parution à la fin de cette année, voire au début de l’année suivante.

  1. « Robert Denoël, éditeur » : http://www.thyssens.com
  2. Henri Thyssens, « Trois Liégeois à Paris » in Catalogue « Bibliothèque Simenon », Liège, La Sirène, 1999, pp. 58-59.