Archives de l’auteur : Marc

Vient de paraître

Sommaire : Céline et ses classiques – Du côté des revues – Une lettre de Céline à Maurice Nadeau – Le juif négrite – Hommage à Anne Henry.

Bibliographies

Un ami, qui détient la collection complète du BC, m’écrit ceci : « À quoi sert ton Bulletin célinien ? Il n’y a pas de tables, pas d’index, il n’y a rien. Ce Bulletin est un cimetière où personne ne s’aventure. Ton Bulletin n’existe pas. Il ne sert à rien, ni à personne. » C’est rudement exprimé, un peu outrancier mais pas complètement faux. Il est clair que, pour s’y retrouver dans cet océan de milliers de pages, une liste alphabétique des auteurs (avec les sujets traités), voire un index thématique, s’avère indispensable ¹. Le projet est à l’étude mais il devra d’abord faire place, d’une part, à l’édition prochaine d’un livre de et sur Drieu la Rochelle ², puis à notre bibliographie sur Céline dont les souscripteurs attendent, résignés, la parution depuis l’année du cinquantenaire du décès de l’écrivain ³. Encore faut-il préciser que cette bibliographie a été continûment mise à jour et donc enrichie d’une demi-douzaine d’années complémentaires. Pour mémoire, cet ouvrage recensera tous les livres sur Céline parus dans toutes les langues (mais pas les articles de presse, hormis ceux figurant dans les numéros spéciaux de revues), les thèses universitaires (publiées ou non), les émissions radiophoniques et télévisées, ainsi que les entretiens accordés par Céline dès lors qu’ils ont fait l’objet d’un enregistrement. Même critère pour les adaptations théâtrales et lectures de l’œuvre. Sans omettre la documentation disponible sur Internet (conférences, débats, entretiens, etc).

À l’issue du premier colloque de la Société d’études céliniennes, qui se tint à Oxford en 1975, Jean-Pierre Dauphin (†) notait que « les omissions, les inexactitudes et les duplications paresseuses de ses références critiques font de la bibliographie la parente pauvre des études céliniennes 4. »  Le constat  se vérifie encore aujourd’hui même si, précisément grâce à Dauphin, on dispose, entre autres trésors, d’une remarquable bibliographie de l’œuvre, actualisée il y a quatre ans 5. En ce qui concerne les bibliographies secondaires, le champ d’investigation  est  encore plus étendu 6. Sans doute serait-il superflu de recenser de manière exhaustive les innombrables articles de presse parus depuis la mort de l’écrivain. En revanche, il serait utile de répertorier, dans un volume spécifique, les études et articles de fond parus en revue, tel que le font chaque année, pour l’ensemble des écrivains français, la Revue d’histoire littéraire de la France (Paris), la Bibliographie der französischen Literaturwissenschaft (Francfort), et la French XX Bibliography (Selinsgrove, Pennsylvanie). Vaste travail !…

  1. Une table et un index des 400 numéros du BC constitueraient un fort volume même si on se “limite” à une liste des auteurs et des titres de leurs études & articles, à l’instar de ce que vient de faire l’excellente Revue littéraire (éd. Léo Scheer) qui édite un index des 75 (premiers) numéros parus de 2004 à 2018.
  2. Pierre Drieu La Rochelle, La France, pays de la démesure (et autres textes parus dans la presse belge, 1940-1944), édition établie par Arina Istratova et Marc Laudelout, Éd. Pardès (à paraître).
  3. Arina Istratova & Marc Laudelout, Tout sur Céline, Le Bulletin célinien (à paraître).
  4. Jean-Pierre Dauphin, « Contribution à la bibliographie célinienne » in Actes du Colloque d’Oxford, 22-25 septembre 1975, p. 134. C’est à la suite de ce colloque que fut fondée la Société d’Études céliniennes.
  5. La Bibliographie des écrits de Louis-Ferdinand Céline, 1918-1984, due à Jean-Pierre Dauphin et Pascal Fouché, a été publiée en 1985. Elle s’est vue actualisée (et enrichie) en 2015 par Alain de Benoist dans sa Bibliographie internationale de l’œuvre de Céline.
  6. La Bibliographie des articles de presse et des études en langue française consacrés à L.-F. Céline de J.-P. Dauphin s’arrête à l’année de la mort de Céline ; celle de Stanford L. Luce et William K. Buckley, A Half-Century of Céline. An Annotated Bibliography, 1932-1982, éditée à New York, remonte à plus de trente ans.

Vient de paraître

Sommaire : Maurice Nadeau et Céline – L’énigme Pucheu – Deux lettres de Pierre Monnier à Albert Paraz – Le grand amour d’Arletty.

Moisson printanière

Marre de Céline ! Ils ne supportent plus de le voir considéré comme l’un des plus grands écrivains du siècle dernier, ni qu’il soit pléiadisé, ni que des livres le concernant envahissent les librairies. Dommage pour eux : la moisson printanière s’avère copieuse. Pas moins d’une dizaine de livres à lui consacré paraissent ces jours-ci. Nous y reviendrons le mois prochain mais nous nous proposons de les passer d’ores et déjà en revue. Il y a d’abord les publications scientifiques. Dont les actes du XXIIe colloque de la Société d’études céliniennes, qui s’est tenu l’été dernier à Paris, avec pour thème Céline et le politique.  Ce volume de près  de 300 pages sera adressé à tous les membres de la SEC en règle de cotisation pour cette année. Les Presses Universitaires de Montréal nous proposent la thèse de doctorat de Bernabé WesleyL’oubliothèque mémorielle de L.-F. Céline, soutenue il y a deux ans. Cet essai se veut une analyse des symboles, des motifs et des usages de l’amnésie collective de la société française d’après-guerre telle qu’elle est mise en scène dans ses derniers romans. Ce céliniste de la nouvelle génération examine leur inventivité linguistique, leur humour, leur étrangeté, parfois, et surtout leur portée critique à l’égard des représentations de la mémoire d’une société voulant oublier la guerre qui vient de s’achever, tout en en gardant à jamais le souvenir. Sous le titre Louis-Ferdinand Céline. Récurrence lexicale et poésie du style dans Voyage au bout de la nuit (L’Harmattan), Bianca Romaniuc-Boularand livre une subtile analyse de la poétique célinienne. L’auteur articule son analyse autour de la notion de rythme, envisagé comme essence de la poésie, et démontre que le rythme célinien est, en grande partie, affaire de récurrences lexicales, autant formelles que sémantiques. C’est une étonnante approche géographique et littéraire, servie par un style d’écrivain, que nous offre Pierre GrouixFerme du bois clair (Céline, Danemark, 1948-1951) passe au peigne fin les moindres petits faits de ce que fut la vie de l’écrivain en exil (Éd. du Bourg). Cet ouvrage confine à l’enquête biographique la plus rigoureuse où les détails les plus ténus font sens. Après avoir lu ce livre, les céliniens ne confondront plus Klarskovgaard et Korsør, ni Fanehuset et Skovly. Autre lieux évocateurs : Douala, Bikomimbo et Dipikar.  Louis Destouches vécut moins d’un an au Cameroun mais la période fut décisive. Pierre Giresse, professeur de géologie qui a longtemps vécu dans ses contrées, signe un Céline en Afrique (Du Lérot), richement illustré, qui invite le lecteur à revisiter la nature tropicale et ses habitants, familiers aux lecteurs de Voyage au bout de la nuit. Marc Hanrez, pionnier du célinisme, rassemble ses études sous le titre Céline et ses classiques (& autres essais). La partie qui a donné son titre à ce recueil constitue une approche de Céline à travers les auteurs, poètes et artistes qui le captivaient ou qui l’intriguaient. De Villon à Diderot, de Shakespeare à Voltaire, de Jules Vallès à Léon Bloy, de George Sand à Paul Morand…, de Bosch à Breughel… défile un patrimoine imaginaire qui a marqué Céline (Éd. de Paris-Max Chaleil).Signalons enfin la sixième réédition de l’inusable Céline en chemise brune d’Hanns-Erich Kaminski (1938) mais qui offre, cette fois, l’avantage d’être la première à corriger les erreurs de composition de l’édition originale. Bonnes lectures !

Également paru : Quatre histoires intimes d’écrivains pour la radio (Zweig, Yourcenar, Céline, Aragon) de Léo Koesten (L’Harmattan, 152 p.). Il s’agit de pièces radiophoniques diffusées sur France-Inter. Celle concernant Céline a été diffusée en 2017 (émission “Affaires sensibles” de Fabrice Drouelle).

Vient de paraître

Sommaire : Rencontre avec Yves-Robert Viala – À l’agité du bocal (re)composé par Bernard Cavanna – La vérité sur Bessy – Une conférence sur Céline – Le bilan de l’accueil et l’évolution de Céline de L’Église à Mort à crédit.

Mépris

Tout a été dit sur l’indigeste pavé du tandem Taguieff-Duraffour paru au début de l’année passée ¹. En attendant la version en collection de poche, agrémentée d’une préface sur la réception critique (!), on peut maintenant y revenir avec quelque recul même si d’aucuns penseront qu’on lui accorde trop d’importance.

Fallait-il que les deux auteurs aient jadis éprouvé pour Céline « une admiration sans bornes » (expression employée dans l’introduction) pour en arriver là ! Peu suspect de complaisance envers l’écrivain, Émile Brami, dans l’un des premiers comptes rendus du livre, a magistralement montré l’inanité de certaines accusations (agent actif du SD, notamment) dépourvues de la moindre preuve ². Accusations basées sur une méthodologie contestable qui tient à la formation des auteurs : l’une vouée aux études littéraires, l’autre à la philosophie et à l’histoire des idées. Mais pas la moindre formation d’historien s’étant frotté à la critique interne et externe des documents. Si tel avait été le cas, plusieurs bourdes eussent été évitées.  Le fait que Céline, véritable électron libre avant et pendant la guerre, ait souhaité la victoire de l’Axe et qu’il ait, à ce titre, fréquenté des officiels (allemands et français) n’est pas douteux. Ne l’est pas moins le fait qu’il n’ait pas mis une sourdine à son racisme (englobant son antisémitisme) pendant les années noires. Mais cela ne fait pas de lui un agent (stipendié ou pas) de la police allemande. D’autant qu’il est avéré qu’il fréquentait le plus souvent ces personnalités à des fins personnelles (récupération de son or saisi en Hollande, possibilité de séjourner sur la côte bretonne, etc.). Pour le reste, « était-il nécessaire de vouloir à toute force rendre Céline plus noir  qu’il ne l’a été ? » ³.  Oui s’il s’agit de faire en sorte que l’Université le boycotte tant et plus. Les auteurs auront alors beau jeu de constater qu’aucun « grand spécialiste universitaire » ne se penche décidément sur son œuvre. Mais, ce qui frappe le plus à la lecture du livre, c’est ce mépris d’acier qu’affichent les auteurs. Mépris envers l’écrivain qui a cessé d’être pour eux un classique, tout au plus un styliste de talent 4.  Mépris envers ses exégètes, tel Henri Godard, déconsidéré car n’ayant pas les connaissances (philosophiques, ethnographiques, anthropologiques et génétiques) requises à leurs yeux pour pouvoir traiter valablement du sujet 5. Mépris envers les chercheurs, tel Éric Mazet ou Jean-Paul Louis, perçus comme des dévots du « culte célinien ». Mépris envers la plupart des autres célinistes, « érudits aussi passionnés que limités dans leurs perspectives ». Mépris enfin envers les admirateurs de son œuvre. Tous étiquetés célinophiles, célinomanes ou célinolâtres. De Kaminski à Peillon en passant par Vanino, Kirschen, Gosselin, Martin, Bounan et Bonneton, la liste des livres hostiles à Céline est déjà longue. Nul doute que celui-ci a décroché la palme.

  1. Annick Duraffour & Pierre-André Taguieff, Céline, la race, le Juif (Légende littéraire et vérité historique), Fayard, 2017. À paraître au printemps prochain dans la collection « Pluriel » des éditions Fayard.
  2. Avis partagé par Pierre Assouline : « Ils ont épluché tout ce qui a été publié sur le sujet afin de prouver que Louis-Ferdinand Destouches était un être vénal, que les Allemands l’avaient payé, qu’il travaillait pour leurs services, qu’il était au courant de l’existence des chambres à gaz et qu’il mouchardait à tour de bras mais ils n’avancent guère de preuve. » (La République des livres, 19 mars 2017) ; Émile Brami, « Le chapeau, l’éléphant et le boa » in Études céliniennes, n° 10, hiver 2017. Voir aussi David Alliot & Éric Mazet, Avez-vous lu Céline ?, Pierre-Guillaume de Roux, 2018 & Marc Laudelout, « Feu sur Céline et les céliniens », Le Bulletin célinien, n° 394, mars 2017.
  3. Émile Brami, op. cit.
  4. Ainsi ne voient-ils dans les derniers romans qu’un « simple jeu de formes langagières plus ou moins inédites » (!).
  5. Il est par ailleurs traité de « célinologue officiel de la République des lettres», ce qui est proprement grotesque.