Dans son livre-testament ¹, Dominique Venner évoque Céline et plus particulièrement Les Beaux draps, « ce curieux livre qui délivrait un message furibard à l’encontre de la prédication chrétienne, ultime recours du régime de Vichy qu’il méprisait ». Et de citer la fameuse sortie de Céline visant « la religion de “Pierre et Paul” [qui] fit admirablement son œuvre, décatit en mendigots, en sous-hommes dès le berceau, les peuples soumis, les hordes enivrées de littérature christianique, lancées éperdues imbéciles, à la conquête du Saint Suaire, des hosties magiques, délaissant à jamais leurs Dieux, leurs religions exaltantes, leurs Dieux de sang, leurs Dieux de race. (…) Ainsi, la triste vérité, l’aryen n’a jamais su aimer, aduler que le dieu des autres, jamais eu de religion propre, de religion blanche. Ce qu’il adore, son cœur, sa foi, lui furent fournis de toutes pièces par ses pires ennemis. »
Venner observe avec pertinence que, dans un langage différent, Nietzsche n’avait pas dit autre chose. Cet été, Anne Brassié, dans un quotidien fervemment catholique, a adressé une lettre post-mortem à Venner ². N’ayant jamais lu Les Beaux draps, la biographe de Brasillach précise qu’elle ne connaissait pas ce texte et s’insurge contre cette attaque frontale de la religion chrétienne, d’autant que le païen Venner la faisait sienne mutatis mutandis.
Encore faut-il préciser ce qui, pour Céline, constituait le crime des crimes : « La religion catholique fut à travers toute notre histoire, la grande proxénète, la grande métisseuse des races nobles, la grande procureuse aux pourris (avec tous les saints sacrements), l’enragée contaminatrice ».
Céline, défenseur résolu du génie de la race et de son intégrité, reprochait à l’Église de favoriser le métissage par sa doctrine égalitaire. Après avoir vu un de ses textes censuré par la presse doriotiste, il tint à faire connaître la phrase caviardée : « L’Église, notre grande métisseuse, la maquerelle criminelle en chef, l’antiraciste par excellence. » L’antienne n’était pas nouvelle. Quatre ans plus tôt, dans L’École des cadavres, il vouait aux gémonies les « religions molles ». Et précisait déjà : « Vive la Religion qui nous fera nous reconnaître, nous retrouver entre Aryens, nous entendre au lieu de nous massacrer, mutuellement, rituellement, indéfiniment. »
Anne Brassié admet que « la violence de Céline est née de sa terrible clairvoyance, l’Europe s’engageant dans une seconde guerre civile après le premier suicide de la guerre de 14-18 ». Cela étant, elle rétorque : « Sont-ce vraiment les chrétiens qui ont préparé ces guerres ? Qui furent envoyés au front pour mourir, dès 1914, en première ligne ? Les paysans bretons, catholiques, les officiers français catholiques et le premier d’entre eux, Péguy. » Mais pour Céline, la religion chrétienne est une religion juive facilitant les grands massacres en anesthésiant les peuples ainsi aliénés ³. Si Céline est antinationaliste c’est parce qu’il considère que les nations sont manipulées et génératrices de guerre. Pour lui seule la race est capable d’éradiquer la nation, d’où cette vision du « racisme » perçu comme antidote au nationalisme. Cette conviction peut aujourd’hui être ignorée et dissociée de son esthétique. Il n’en demeure pas moins qu’elle fut sienne.
- Dominique Venner, Un samouraï d’Occident. Le Bréviaire des insoumis, Éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2013.
- Anne Brassié, « Un samouraï d’Occident », Présent, n° 7899, 20 juillet 2013, p. 5a-e.
- Nietzsche considère que le christianisme représente le judaïsme « à la puissance deux » (La Volonté de puissance, 1887) dans la mesure où l’esprit judaïque s’y est universalisé.