Marre de Céline ! Ils ne supportent plus de le voir considéré comme l’un des plus grands écrivains du siècle dernier, ni qu’il soit pléiadisé, ni que des livres le concernant envahissent les librairies. Dommage pour eux : la moisson printanière s’avère copieuse. Pas moins d’une dizaine de livres à lui consacré paraissent ces jours-ci. Nous y reviendrons le mois prochain mais nous nous proposons de les passer d’ores et déjà en revue. Il y a d’abord les publications scientifiques. Dont les actes du XXIIe colloque de la Société d’études céliniennes, qui s’est tenu l’été dernier à Paris, avec pour thème Céline et le politique. Ce volume de près de 300 pages sera adressé à tous les membres de la SEC en règle de cotisation pour cette année. Les Presses Universitaires de Montréal nous proposent la thèse de doctorat de Bernabé Wesley, L’oubliothèque mémorielle de L.-F. Céline, soutenue il y a deux ans. Cet essai se veut une analyse des symboles, des motifs et des usages de l’amnésie collective de la société française d’après-guerre telle qu’elle est mise en scène dans ses derniers romans. Ce céliniste de la nouvelle génération examine leur inventivité linguistique, leur humour, leur étrangeté, parfois, et surtout leur portée critique à l’égard des représentations de la mémoire d’une société voulant oublier la guerre qui vient de s’achever, tout en en gardant à jamais le souvenir. Sous le titre Louis-Ferdinand Céline. Récurrence lexicale et poésie du style dans Voyage au bout de la nuit (L’Harmattan), Bianca Romaniuc-Boularand livre une subtile analyse de la poétique célinienne. L’auteur articule son analyse autour de la notion de rythme, envisagé comme essence de la poésie, et démontre que le rythme célinien est, en grande partie, affaire de récurrences lexicales, autant formelles que sémantiques. C’est une étonnante approche géographique et littéraire, servie par un style d’écrivain, que nous offre Pierre Grouix. Ferme du bois clair (Céline, Danemark, 1948-1951) passe au peigne fin les moindres petits faits de ce que fut la vie de l’écrivain en exil (Éd. du Bourg). Cet ouvrage confine à l’enquête biographique la plus rigoureuse où les détails les plus ténus font sens. Après avoir lu ce livre, les céliniens ne confondront plus Klarskovgaard et Korsør, ni Fanehuset et Skovly. Autre lieux évocateurs : Douala, Bikomimbo et Dipikar. Louis Destouches vécut moins d’un an au Cameroun mais la période fut décisive. Pierre Giresse, professeur de géologie qui a longtemps vécu dans ses contrées, signe un Céline en Afrique (Du Lérot), richement illustré, qui invite le lecteur à revisiter la nature tropicale et ses habitants, familiers aux lecteurs de Voyage au bout de la nuit. Marc Hanrez, pionnier du célinisme, rassemble ses études sous le titre Céline et ses classiques (& autres essais). La partie qui a donné son titre à ce recueil constitue une approche de Céline à travers les auteurs, poètes et artistes qui le captivaient ou qui l’intriguaient. De Villon à Diderot, de Shakespeare à Voltaire, de Jules Vallès à Léon Bloy, de George Sand à Paul Morand…, de Bosch à Breughel… défile un patrimoine imaginaire qui a marqué Céline (Éd. de Paris-Max Chaleil).Signalons enfin la sixième réédition de l’inusable Céline en chemise brune d’Hanns-Erich Kaminski (1938) mais qui offre, cette fois, l’avantage d’être la première à corriger les erreurs de composition de l’édition originale. Bonnes lectures !
Également paru : Quatre histoires intimes d’écrivains pour la radio (Zweig, Yourcenar, Céline, Aragon) de Léo Koesten (L’Harmattan, 152 p.). Il s’agit de pièces radiophoniques diffusées sur France-Inter. Celle concernant Céline a été diffusée en 2017 (émission “Affaires sensibles” de Fabrice Drouelle).