En ce début d’année, le moins que l’on puisse dire est que nous sommes particulièrement gâtés. Tout d’abord, il y a ce superbe album iconographique dû à David Alliot. Ce jeune célinien a écumé les agences de presse photographiques pour nous proposer une sélection de clichés – parfois peu connus, toujours émouvants – de l’écrivain fixé à la fin de sa vie dans la banlieue sud-ouest de Paris. Cet album s’appelle précisément Céline à Meudon. Images intimes, 1951-1961. Titre bien choisi : le lecteur a vraiment l’impression de partager ce que fut l’intimité du grand fauve durant les dix dernières années de sa vie. Jamais l’iconographie célinienne n’a été aussi bien mise en valeur. Les commentaires sont pertinents et le choix des photos remarquable. Une belle réussite assurément. Et l’on se plaît à rêver d’un album analogue consacré aux années antérieures ¹ …
Outre le mince bulletin que vous avez entre les mains, il existe désormais deux publications céliniennes qui, toutes deux, proposent études savantes, documents rares et bibliographie rigoureuse. D’une part, L’Année Céline, qui constitue en quelque sorte le conservatoire annuel de l’actualité célinienne, et, d’autre part, Études céliniennes, éditée par la S.E.C., qui publie en outre de substantielles notes de lecture. La même démarche doit-elle nécessairement entraîner des équivalences ? Jean-Paul Louis, l’éditeur de la première revue, ne manque pas de relever que la seconde « est organisée en sections dont plusieurs rappellent par leurs intitulés celles de L’Année Céline. » Mais si une saine émulation existe entre ces deux publications, qui s’en plaindra ? Le sommaire de chacune d’entre elles est présenté dans ce numéro. Toutes ces parutions coïncident avec la sortie du nouveau catalogue de la librairie D’un livre l’autre qui offre, une fois encore, plus de deux cents pièces relatives à Céline : lettres autographes, livres, revues et disques. Une mine pour l’amateur désireux de compléter sa collection. Ce catalogue est également présenté plus loin.
C’est dire si Céline a ses passionnés, n’en déplaise à un triste Marchetti qui n’a rien de commun avec celui que nous apprécions ² . Celui-là semble vouer une détestation… corse au natif de Courbevoie, allant même jusqu’à titrer son article « Voyage au bout de la haine ». Gageons qu’il ignore que ce titre rebattu fut imaginé en 1957 par L’Express de feu Servan-Schreiber pour se dédouaner de publier un entretien avec l’infâme. Le chapeau rédactionnel qui suit n’est pas en reste : « Rebelle, hâbleur, inclassable, il ancre son œuvre entre virulence et mensonge. Jusqu’à la nausée. »
Le temps de l’apaisement n’est donc pas encore venu. À ce propos, François Gibault rappelle, dans un ouvrage collectif paru récemment ³ , qu’en 1957, Céline se prenait à souhaiter le retour de De Gaulle, dans l’espoir de bénéficier de ce qui s’ appelait alors la « grande amnistie » : « Que le grand Sauveur passe président ! […]. Il n’a pas beaucoup souffert de l’Occupation, il peut pas être trop aigri… Puisqu’il est Charles, il aurait pu imiter l’autre, le V, rentrant à Paris, rassurant la France... ».
- Voir le forum des lecteurs sur http://passouline.blog.lemonde.fr (« Visite à Célinegrad »).
- Pascal Marchetti-Leca, chargé d’enseignement à l’Université de Corse in Historia, n° 720, décembre 2006, pp. 70 -74. Texte disponible sur le site http://www.historia.fr.
- Article sur Céline in Dictionnaire De Gaulle (sous la direction de Claire Andrieu, Philippe Braud, Gilbert Piketty), Éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006, pp. 180-181.