C’est ce 4 octobre que la correspondance de Céline à Roger Nimier sera dispersée par l’étude Tajan. Soit 228 lettres, dont 26 inédites. Estimation : entre 120.000 et 130.000 euros.
L’histoire de cette amitié commence au début de l’année 1949 lorsque Nimier envoie au Danemark son premier roman, ainsi dédicacé : « Au maréchal des logis Destouches, qui paie aujourd’hui trente ans de génie et de liberté, respectueusement. Le cavalier de 2e classe Roger Nimier » ¹ .
On connaît son destin tragique : fracassé à trente-sept ans sur l’autoroute de l’Ouest, en compagnie d’une jeune femme, Sunsiaré de Larcône. On savait peu de choses sur elle. Dans un beau livre, À la recherche de Sunsiaré, Lucien d’Azay a tenté de recomposer, au fil des ans, le puzzle de cette courte vie. Julien Gracq, Guy Dupré, Raymond Abellio furent éblouis par cette créature fantasque, exaltée, tout à la fois ange et vampire. Manifestement troublé par Sunsiaré, l’auteur fait entrer sa propre histoire en résonance avec son enquête, agrémentant le récit de sa passion amoureuse pour une certaine Esther ².
Gageons que cette correspondance de Céline à Nimier atteindra des sommets à Drouot. De quoi agacer souverainement ceux qui, sur un site Internet, traitent l’écrivain d’ « ordure nazie » [sic], précisant que « la célébration perpétuelle du “génie” célinien, depuis les années cinquante, est un des symptômes culturels les plus forts de la banalité séculaire de l’antisémitisme français et de l’importance toujours occultée de “l’héritage de Vichy” dévoilé par le grand historien américain Robert Paxton, il y a déjà presque 30 ans ». Céline dans l’héritage de Vichy ? On imagine ce qu’il aurait répondu, lui qui ne digéra jamais l’interdiction des Beaux draps en zone non occupée par l’Amiral Darlan alors « dauphin » de Pétain et vice-président du Conseil.
Étrange fascination exercée par Céline sur ceux qui ne l’aiment pas pour des raisons parfois bien compréhensibles. Ainsi, on annonce un livre de Sarah Kaliski, artiste juive (sœur du dramaturge belge René Kaliski), meurtrie très jeune par la perte des siens durant la Seconde guerre mondiale. Cette œuvre, à la fois graphique et littéraire, se présente comme un portrait fantasmé de Céline. Sarah Kaliski porte sur lui, nous dit-on, « un regard amoureux et violent », parvenant à dépasser sa « douleur pour exalter le génie d’un créateur » ³.
- Dédicace reproduite par François Gibault dans le premier tome de sa biographie de Céline (Mercure de France, 1985, p. 150).
- Lucien d’Azay, À la recherche de Sunsiaré, Gallimard, 2005, 392 pages.
- « La France radicale », site Internet de la Gauche démocratique et républicaine.
- Sarah Kaliski, Quel est ton nom petit ? Louis-Ferdinand Céline, Fata Morgana, 2005.