Sommaire : Semmelweis vu par Céline – Rebatet et Céline – Pol Vandromme parmi nous – Céline et Clémence Arlon – Deux adaptations théâtrales – André Blanchard
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Lucien Rebatet
- Julie Clarini, « Berl et Rebatet : convergence et confusion à Vichy » [propos recueillis de Pascal Ory et Henri Raczymow], Le Monde, 2 octobre 2015.
- Pascal Ory, « Apologie pour un meurtre », Le Monde, 6 février 1975. Cet article avait suscité la réaction de plusieurs intellectuels (dont Thierry Maulnier, Robert Aron et Dominique Jamet) publiée le 11 février dans ce quotidien.
- Bénédicte Vergez-Chaignon (éd.), « Le Dossier Rebatet » [Les Décombres ; L’Inédit de Clairvaux], Éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1152 p., préface de Pascal Ory..
- Pierre Assouline, « Lucien Rebatet exhumé des décombres », Le Magazine littéraire, n° 560, octobre 2015. Repris dans La République des livres, 12 octobre 2015 [http://larepubliquedeslivres.com/rebatet-exhume-des-decombres]
- Henri Thyssens, Robert Denoël, éditeur [http://thyssens.com/01chrono/chrono_2015.php]
- En témoigne éloquemment l’échange entre Céline et Lucien Combelle en décembre 1941 : « Il nous faut trouver des révolutionnaires ! », Le Bulletin célinien, n° 349, février 2013, pp. 12-13.
Vient de paraître
François Gibault
Pour le premier tome de Libera me, François Gibault fut invité à une émission télévisée à forte audience. Sa réputation le devançant, on lui demanda d’entrée de jeu s’il était bien de droite, et même d’extrême droite. Il se récria et affirma qu’il était plutôt du centre, qu’il ne s’était jamais mêlé de politique, etc. Dans le second volume, il montre un peu le bout de l’oreille en révélant ses sympathies passées pour l’O.A.S. (il évoque avec humour des réunions clandestines chez Jacques Laurent, antigaulliste de toujours) et confie qu’il manifesta le 7 novembre 1956 contre l’intervention soviétique en Hongrie. Le point culminant de cette manif fut la mise à sac et l’incendie du siège du Parti communiste français. Aujourd’hui il traite ses engagements d’antan avec désinvolture et affiche des sympathies que l’homme qu’il était à trente ans verrait sans doute avec étonnement. Nul doute qu’il lui sera beaucoup pardonné pour ses lignes bouleversantes sur la fin du lieutenant Degueldre. D’autant qu’il ne se ménage pas. Confessant sa vanité, il se voit en « faux modeste mais vrai snob ». Son rêve ? Entrer à l’Académie française. Honneur qui lui est définitivement refusé en raison de la limite d’âge décrétée il y a une dizaine d’années. Notons qu’avec un tel règlement, ni Marguerite Yourcenar, ni Paul Morand, ni Georges Dumézil, ni Léopold Sédar Senghor (pour ne citer qu’eux) n’eussent été élus.
Avec les années, François Gibault a atteint une sorte de sagesse qui lui permet de s’observer avec recul — lui et ses contemporains. En témoignent quelques unes de ses réflexions qui sont autant d’aphorismes : « Le principal avantage des idées que l’on a, c’est que l’on peut en changer, hormis quand elles ont le défaut d’être fixes. » Ou celle-ci qui s’en approche : « Il faudrait changer de vie tous les matins pour ne pas sombrer dans le renouvellement quotidien des pratiques et des idées, pour que les réflexes ne supplantent pas les réflexions, pour rester maître de soi et pour ne pas faire comme le chien de Pavlov. » Naturellement, il est souvent question de Céline et des gens qui s’y sont intéressés. Ainsi il rappelle que celui-ci n’est en rien responsable de la fin tragique de Desnos et révèle que sa compagne Youki était venue s’en expliquer à Meudon : « Je sais que ce n’est pas à cause de vous qu’il a été déporté ». Belle page sur Maurice Ronet qui a longtemps nourri le projet d’adapter au cinéma La vie et l’œuvre de Philippe Ignace Semmelweis : « Cet homme au charme inouï m’a enchanté par son esprit ouvert et par son aversion profonde pour l’intolérance ». Sur le docteur André Willemin, familier de Céline à la fin de sa vie : « Il exigeait qu’on le prenne tel qu’il était, avec des idées sur tout qui n’étaient jamais celles de tout le monde et un formidable mépris des conventions et des bons usages. » On sait que François Löchen avait demandé à Gibault de prononcer le discours d’adieu à ses obsèques. Le fils et la fille souhaitaient que le nom de Céline ne fût pas prononcé (!) : « Je suis évidemment passé outre en rappelant que le pasteur Löchen avait agi avec Céline en chrétien. ». À propos de son activité à la présidence de la Société d’études céliniennes : « Bien avec tout le monde, je tempère, je modère, je temporise, je mets de l’eau dans le vin, je rassure, je concilie, sans juger ni condamner personne, mais je n’en pense pas moins. » Ce serait pourtant drôle qu’un jour, il dise ce qu’il pense vraiment des « crabes qui entourent » ladite société. Ce n’est pas pour demain. Juriste dans l’âme, François Gibault tient à ménager les uns et les autres. Encore une preuve de sagesse…
• François GIBAULT, Libera me (Suite et fin), Gallimard, 2015, 293 p. (19,50)
Vient de paraître
Céline cuirassier
Il y a trente-quatre ans, je publiais dans La Revue célinienne un article d’un jeune chercheur, Daniel Bordet (qu’est-il devenu ?) : « Fin d’une autre légende. Céline n’a jamais fait la une de L’Illustré national. » ¹. À l’époque, aucun célinien n’avait eu en mains le numéro aujourd’hui centenaire de cette revue éditée par Tallandier. Certains furent abusés par le montage réalisé par le père de Louis Destouches ². Dans la première édition de sa bibliographie célinienne, parue quelques années auparavant, Jean-Pierre Dauphin indiquait que ce dessin avait paru en première page et le datait de décembre 1914 alors qu’il parut près d’un an plus tard, en novembre 1915 ³. C’est que la collection de cette revue n’était alors consultable ni à la Bibliothèque nationale, ni à la Bibliothèque de l’Arsenal, ni même chez l’éditeur.
Odile Roynette, spécialiste de la Grande Guerre, revient dans un livre savant sur cet épisode glorieux de la vie de Céline et les répercussions qu’il eut dans la formation de sa personnalité. Il y est question de L’Illustré National (voir pp. 7-12) mais aussi de son engagement dans l’armée, de sa convalescence, du séjour en Afrique, et de l’impact de la guerre dans les pamphlets, puis dans sa défense lorsqu’il sera mis en accusation par la justice de son pays.
À la suite de Gaël Richard 4, mais à la différence des biographes même récents, elle précise que Louis Destouches n’a pas été blessé le 27 octobre 1914 mais deux jours plus tôt, le (dimanche) 25. Et cela se serait passé « sur le champ de bataille d’Ypres, à une dizaine de kilomètres au nord-est de cette ville, à proximité de la commune de Poelkapelle. » En mai 1915, il est affecté, comme on sait, au consulat général de France à Londres : « Une année a suffi pour que le jeune cavalier blessé dans les Flandres retrouvât non seulement l’usage de son bras, mais sa pleine et entière liberté. Au plus fort de la tourmente, (…) Destouches, venu s’embusquer [sic] au Consulat français de Londres, parvenait à sortir de la nuit. »
Odile Roynette l’assure : Destouches, « opportuniste et adroit tacticien » [resic], eut bien de la veine. Vivant d’abord de manière très atténuée les brutalités de la vie de caserne, il subit, durant les premiers mois de la guerre, une blessure qui, pour être sérieuse, n’est pas grave. Ensuite il bénéficie de protections efficaces grâce auxquelles il quitte la zone de front pour le Val-de-Grâce et des hôpitaux annexes de Paris et sa banlieue. L’année suivante, à Londres, on lui accorde une réforme, dite n° 2, qui le dégage définitivement de toute obligation militaire. Décision médicale jugée « plus que complaisante » par l’auteur.
Cerise sur le gâteau : en 1939, il devint « réformé n° 1 », ce qui lui procure, outre quelques menus avantages matériels, le statut de mutilé ayant acquitté pour la nation l’impôt du sang. Honneur dont il se prévaut avec succès pour sa candidature à un humble poste de médecin dans la banlieue rouge. … Fortuné Ferdine !
• Odile ROYNETTE, Un long tourment. Louis-Ferdinand Céline entre deux guerres (1914-1945), Les Belles lettres, 2015.
- On l’aura compris : ce titre, choisi par la rédaction, était un clin d’œil à l’article de Jean A. Ducourneau, « C’est la fin d’une légende. Céline n’a jamais été trépané » paru le 17 octobre 1966 dans le Figaro littéraire.
- Fernand Destouches avait ajouté par collage le titre du journal (pris à la première page du numéro) ainsi qu’une photographie du cuirassier Destouches en médaillon.
- Jean-Pierre Dauphin, Essai de bibliographie des études en langue française consacrées à Louis-Ferdinand Céline, tome I : 1914-1944, Lettres Modernes-Minard, coll. « Calepins de bibliographie », n° 6, 1977, p. [10]. Il indiquait, par ailleurs, « n° 16 » alors qu’il s’agit, en réalité, de la page 16 du n° 52.
- Gaël Richard, « Le cuirassier blessé et ses médecins », L’Année Céline 2009, p. 190.