Claude Duneton

Notre ami Claude Duneton nous a quittés le 21 mars. Coïncidence : c’est un 22 mars (1997) qu’il fut l’invité d’honneur de la « Journée Céline » organisée par le BC ¹. On lira dans ces pages un bouquet d’hommages rendus par ses confrères au chroniqueur de la langue française, à l’homme de théâtre et à l’écrivain.

Il me revient peut-être de saluer ici le célinien émérite et pionnier. Sait-on qu’il fut l’un des premiers à adapter Céline au théâtre ? Cela se passait en novembre 1970 à Paris et il s’agissait – belle audace – d’une adaptation des Beaux draps ².  Éric Mazet s’en souvient : « Nous n’étions guère nombreux ! On avait l’air de conspirateurs. » Et d’ajouter : « Claude Duneton était un homme libre. D’une vive intelligence curieuse de tous les chemins de traverse, d’une grande culture voyageuse sans frontières et d’une malice dans le regard inoubliable ³. » Je souscris entièrement à ce point de vue en ajoutant, parmi d’autres qualités, sa grande modestie et ce courage tranquille qui lui faisait écrire des choses que la doxa feint d’ignorer. Ainsi rappelait-il volontiers que c’est l’anticommunisme, bien davantage que l’antisémitisme, que les épurateurs reprochaient à Céline après la guerre : « Jusqu’au milieu des années 1950, le sort des Juifs n’était pas vraiment détaché de celui des déportés de toutes catégories dans l’opinion des Français. Ce fut plus tard, presque dix ans après la défaite de l’Allemagne, qu’on se rendit compte, dans la foulée, du massacre distinctif – ethnique si l’on veut. (…) Céline est parti, in extremis, parce que les communistes étaient sur le point de lui faire la peau – et sans procès encore ! (…) Voilà la tare, la faute inexpiable : Céline était anticommuniste militant, et pire, antistalinien farouche, exactement, il l’avait crié à tous les échos. Mea culpa, Bagatelles, Les Beaux draps… 4 ». Outre ses préfaces pertinentes 5, on retiendra aussi de Duneton son « ode à Célne », Bal à Korsør 6,  publié en 1994 « à l’occasion de ses cent bougies ». Moins connu : son montage de textes, Appelez-moi Ferdinand, qu’il réalisa en 1980 pour la télévision française 7. Et il faudrait également citer ses chroniques langagières du Figaro qui firent souvent la part belle à Céline. Ainsi Claude Duneton n’a-t-il jamais cessé de se livrer à une défense et illustration de l’œuvre célinienne. Grâces lui en soient rendues.

  1. Les autres invités étaient Jean-Claude Albert-Weil, Éliane Bonabel, Nicole Debrie-Le Goullon et la Compagnie Catherine Sorba qui présenta des extraits de son adaptation de Guignol’s band.
  2. Les Beaux draps. Adaptation scénique de Claude Duneton. Librairie-galerie « Les Anamorphoses », 68 rue de Vaugirard, Paris 6ème. Mise en scène de Jean-Paul Wenzel. L’affiche du spectacle est reproduite dans le Catalogue de l’exposition Céline – Musée de l’Ancien Evêché de Lausanne, Edita, 1977.
  3. Commentaire d’Éric Mazet au lendemain de la mort de Claude Duneton sur le blog « Le Petit Célinien », 22 mars 2012 [http://www.lepetitcelinien.com]
  4. Préface de Claude Duneton à Céline au Danemark, 1945-1951 de David Alliot & François Marchetti, éditions du Rocher, 2008, pp. 9-13.
  5. Signalons aussi ses préfaces au livre d’Éric Mazet & Pierre Pécastaing, Images d’exil. Louis-Ferdinand Céline 1945-1951 (Copenhague-Korsør (Du Lérot et La Sirène, 2004) et à la biographie de Gen Paul, un peintre maudit parmi les siens par Jacques Lambert (La Table ronde, 2007).
  6. Bal à Korsör. Sur les traces de Louis-Ferdinand Céline, Grasset, Paris 1994, 122 p. Une deuxième édition a paru en 1996 dans « Le Livre de Poche » et fait l’objet, en 1999, d’une traduction danoise due à Svend Mogensen.
  7. « Appelez-moi Ferdinand », montage illustré de textes de Céline (Guignol’s band et Nord) par Claude Duneton et Gérard Folin. Voix : Georges Mordillat et Jean-Pierre Sentier. Comédien : Jules Firmin Waroux. Antenne 2, 16 avril 1980.