Jean Groenen

C’était il y a exactement quarante-cinq ans, le dix-sept novembre 1962.  Un jeune avocat, Jean Groenen, prononçait une conférence sur Céline à la séance de rentrée du  Jeune Barreau d’Anvers.  Nous  avons voulu  lui rendre  hommage en revenant sur cet événement-pionnier qui, s’il est signalé dans quelques chronologies céliniennes ¹ n’est pas autrement connu.

On mesure le passage du temps… Une telle initiative, admise par les autorités judiciaires et suscitant l’assentiment général de l’assistance, est tout simplement inimaginable aujourd’hui.  Céline aurait sans nul doute apprécié,  lui qui se disait volontiers « flamand » ² et qui exprima avant-guerre le désir de vivre à Anvers.

Si Jean Groenen fut assurément un précurseur, qu’il nous soit permis de relever que ce n’était pas la première fois qu’un Belge prenait les devants en ce domaine. Ainsi, les premiers ouvrages consacrés à Céline ³  ne sont-ils pas signés Robert Poulet (1958), Marc Hanrez (1961) et Pol Vandromme (1963)  ?

*

Christian Senn – de nationalité suisse, lui –  m’apprend  l’année du décès (2003) de son compatriote Gérard Nanzer. Ce nom ne vous dit sans doute rien. C’est lui qui avait créé l’une des premières associations consacrées à l’écrivain sous le nom « Les Amis de Céline en Suisse ». Fondée le 1er juillet 1964 à l’occasion du troisième anniversaire de sa mort, elle semble avoir eu peu d’activités, la principale étant de faire célébrer tous les ans une messe de requiem le jour anniversaire de la mort de Céline 4.

Cette initiative ne viendrait certainement pas à l’idée d’un autre Suisse, un certain Jean-François Duval, qui explique doctement qu’il a décidé d’exclure de sa bibliothèque Voyage au bout de la nuit qu’on lui a offert, il y a quelques années : « Pour moi, c’est une question d’éthique et de respect envers tous les  autres livres  que j’accueille. J’ai envie de pouvoir regarder ma bibliothèque dans les yeux. J’essaie de ne pas inviter n’importe qui dans mon chez-moi. » ¹.  Il faut lui souhaiter bien du courage dans son entreprise. S’il entend épurer sa bibliothèque de tous les écrivains mal-pensants ou coupables d’avoir émis des opinions incorrectes, la tâche risque d’être colossale. Et sa bibliothèque…  rose.

  1. 1. Notamment dans la Bibliographie des écrits de Louis-Ferdinand Céline (BLFC, 1985) et dans le recueil Vingt-cinq ans d’études céliniennes (Minard, 1988).
  2. On sait que son grand-père paternel avait  épousé  une jeune fille  d’origine flamande, Hermance Delhaye.
  3. N’ayons garde d’omettre Nicole Debrie qui signa un Céline en 1961, avec une préface de Marcel Aymé.
  4. Dans son livre Céline, le voyeur-voyant (Buchet-Chastel, 1972), Erika Ostrovsky reproduit, page 250, une annonce nécrologique parue dans le journal La Suisse (Neufchâtel).
  5. Jean-François Duval, « Tintin, Céline & Cie », Migros Magazine [Zürich], 10 septembre 2007.