Jean-Paul Louis

Reconnaissance à Jean-Paul Louis. Tel pourrait être le titre de cette chronique. J’ai déjà souligné ici ce que nous lui devons : la vingtaine de livraisons de L’Année Céline et une demi-douzaine d’ouvrages de référence qui figure dans toute bibliothèque célinienne digne de ce nom ¹.

Sans doute vient-il de nous donner son chef-d’œuvre : le Dictionnaire de la correspondance de Louis-Ferdinand Céline (en 3 volumes) réalisé avec deux autres céliniens d’envergure : Éric Mazet et Gaël Richard. Tâche titanesque puisqu’il s’est agi d’établir un répertoire exhaustif de tous les correspondants (attestés ou probables) et de leur consacrer une entrée, parfois très détaillée, fourmillant d’informations inédites. Qu’elle soit mince ou consistante, on imagine aisément les mois de recherches, puis de mises au point que ces notices requirent.

On sait que Louis Destouches fut un redoutable épistolier, avec près d’un millier de destinataires tout au long de son existence. Si l’intérêt documentaire de la correspondance est avéré, sa valeur littéraire ne l’est pas moins. En 2009, elle fut consacrée par l’anthologie procurée, dans la Pléiade, par Henri Godard et Jean-Paul Louis. Le double apport de cette correspondance justifie que celui-ci s’y consacre depuis plusieurs décennies. Outre l’édition de la correspondance elle-même, cet intérêt s’est manifesté par plusieurs études ² générées, pour la plupart d’entre elles, par sa thèse de doctorat : Pour une édition de la correspondance générale de Céline. Principes d’établissement du texte et de l’appareil  critique  à partir de l’édition de plusieurs correspondances particulières (Université de Paris IV, 1997).

Il faudrait aussi insister sur l’aspect formel de ce Dictionnaire : le fait que l’on ait affaire à cette espèce devenue rare qu’est un éditeur-imprimeur  n’est  pas sans effet. Mise en page, typographie, choix des illustrations et du papier, tout concourt à la réussite de l’ouvrage et au plaisir du bibliophile.

Comme cela s’est déjà produit par le passé, il est prévisible que les esprits sectaires n’apprécieront guère certains commentaires de l’éditeur. On songe aux notices analytiques relatives à l’antisémitisme ou au racisme. C’est qu’elles se veulent dénuées de tout jugement d’ordre moral, se bornant à synthétiser de manière objective les concepts abordés. La valeur de cet ouvrage réside aussi dans ce parti pris.

  1. Outre le Dictionnaire des personnages dans l’œuvre de L.-F. Céline (2008), constituant le complément du livre qui vient de paraître, relevons la Bibliographie des articles et études en langue française (2011) Le Procès de Céline (2010) ; Céline et la chanson (2005) ; Images d’exil (2004) , Le Cuirassier blessé (1999) ; Esthétique de l’outrance. Idéologie et stylistique dans les pamphlets de Céline (1999), pour ne citer que les indispensables.
  2. La première remonte à plus de vingt ans : « Correspondances » in Pascal Fouché [éd.], Vingt-cinq ans d’études céliniennes, numéro de La Revue des lettres modernes, 1988. Suivront « L’édition de l’œuvre épistolaire : préhistoire, état actuel, perspectives» in Alain Cresciucci [éd.], Actualité de Céline,  Du Lérot (2001), «  Correspondance : méthodologie et état des lieux » (Colloque « Autour de Céline », 2011) et différents textes sur l’édition de la correspondance dans L’Année Céline, dans les trois recueils qu’on lui doit (Marie Canavaggia, Albert Paraz, Milton Hindus) ainsi que dans le volume Lettres de la Pléiade. À ces commentaires s’ajoute bien entendu l’édition scientifique de la correspondance elle-même, théorie et pratique étant ainsi harmonieusement réunis.