Le livre s’ouvre par la relation d’une rencontre bouleversante avec Simone Gallimard alors frappée par le cancer. Directrice du Mercure de France, elle édita la première grande biographie de Céline : « Elle l’adorait. Ce fut un aveu rapide et brutal. Il me marqua beaucoup. Mais Gaston [son beau-père, ndlr] ne le lui présenta jamais. Un regret pour elle. » À Nicolas Bonnal elle exprima le souhait qu’il écrivît un livre sur Céline. Mais celui-ci n’accrocha pas tout de suite. Déçu par Casse-pipe, le reste de l’œuvre le laissa interdit : « Tous ces points de ponctuation et ce style hoquetant ». La révélation eut lieu en Afrique du Sud où il lit Voyage au bout de la nuit alors qu’il subit une dépression carabinée : « L’Afrique américanisée sur fond de système croulant avec des blancs aussi inertes et abrutis (tout en étant fascisés partout) que ceux décrits par Céline, tout cela m’acheva. Mais j’avais enfin lu le Voyage et compris que la vérité de ce monde c’est la mort. C’est dur à vingt-six ans. Le rire venait des pamphlets, la tragédie des romans, donc de la réalité. ».
Écrit à la hussarde, le livre ne s’embarrasse pas de références (ni d’italiques pour les titres des œuvres). On cite Céline à l’envi sans jamais indiquer la source. Pas la peine, doit se dire l’auteur : les passionnés identifieront sans problème. Limite du livre : n’étant pas un spécialiste de Céline, l’auteur a tendance à avaliser certaines allégations erronées, dont celles de Lucette qui, pour dédouaner son mari, affirma jadis que Les Beaux draps furent écrits en 1939 et publiés l’année suivante. C’est néanmoins un livre pour céliniens fervents, ceux qui adhèrent à la plupart des préoccupations de l’écrivain. Mais c’est aussi un livre destiné aux béotiens qui souhaitent en savoir plus sur un écrivain qui fait l’objet d’attaques redoublées plus d’un demi-siècle après sa disparition. Bonnal passe toutes les thématiques céliniennes en revue et les commente par des phrases courtes et définitives qui s’apparentent à des crochets du droit. On ne souscrit pas nécessairement à l’intégralité de l’exégèse mais on ne peut qu’applaudir l’auguste qui excelle, nonobstant quelques approximations, à mettre en valeur le chef du grand Guignol’s band.
• Nicolas BONNAL, Louis-Ferdinand Céline. La colère et les mots, Avatar Éditions, coll. « Fahrenheit 451 », 2017, 323 pages, nombreuses photographies de Céline.