Paraz

Dans le numéro de juillet-août, j’ai signalé la réédition des Lettres à Albert Paraz établie, présentée et annotée par Jean-Paul Louis. Commentant cette correspondance au micro de France-Culture, Cécile Guilbert attige lorsqu’elle précise d’entrée de jeu  que  cette nouvelle édition n’apporte pas grand-chose à la précédente ¹. Si elle fait uniquement référence aux lettres de Céline, soit. Encore que le texte, corrigé en beaucoup d’endroits,  comporte quelques lettres supplémentaires (à Paraz mais aussi à d’autres correspondants). Mais cette réédition vaut aussi par sa nouvelle préface (le double de pages que la précédente), par trois articles de Paraz (sur Céline) absents de la première édition et surtout par son annotation considérablement revue et augmentée. Ceci a manifestement échappé à la chroniqueuse de France-Culture.

Il me semble que cette correspondance est mieux appréciée par la critique qu’il y a trente ans. À gauche surtout, on est franchement dithyrambique : « La correspondance de Céline, celle-ci en particulier, relève de la grande écriture, rayon facture pas ordinaire. » (Le Nouvel Observateur) ; « Céline ne se départ jamais de son ambition (…) sur son territoire intime, celui de la parole écrite, du verbe haut, de la chaleur glaciale de la langue reconstruite, réinvestie, féeriquement réinventée. » (La Quinzaine littéraire) ; « C’est un régal d’humour ravageur dont il faudrait presque tout citer. Il ne s’agit pas de « bonheurs d’expression », mais d’un incessant tourniquet à trouvailles où les pépites éclatent en geysers, rafales musicales d’une langue en rut. » (Le Monde) ².

Céline fait vendre.  Aussi a-t-il fait la couverture du Magazine des Livres  cet été ³. Au sommaire : un long article biographique de David Alliot (« Les sept vies de Louis-Ferdinand Céline ») et un entretien de Joseph Vebret avec Philippe Sollers : « Je place Céline très haut. La campagne d’oblitération de Céline a échoué, et il est désormais d’autant plus au Panthéon qu’on voulait l’empêcher d’y entrer. (…) Il faut souligner à quel point Céline était un épistolier de génie. » Et de conclure : « Le moment est donc venu de relire Céline de fond en comble ».

Une nouvelle biographie « synthétique » de Céline est disponible. Elle est due à Yves Buin, psychiatre qui ne s’était jamais signalé auparavant comme célinien 4. C’est aussi un amateur éclairé de jazz, ce qui lui permet d’apporter la contradiction à Philippe Alméras : « On ne peut retenir que la phrase de Voyage sur le jazz assimilé à une “musique négro-judéo-saxonne” soit antisémite. C’est oublier la proximité de la musique klezmorin avec le jazz New-Orleans, celui de Céline ».

  1. Émission « Jeux d’épreuves » de Joseph Macé-Scarron, France-Culture, 4 juillet 2009. Cette nouvelle édition des Lettres à Albert Paraz, 1947-1957, a paru dans les « Cahiers de la NRF», 560 p.
  2. Delfeil de Ton, « Bien envoyées », Le Nouvel Observateur, 22 juin 2009 ; Hugo Pradelle, « Les lettres de Céline à Albert Paraz », La Quinzaine littéraire, 1er-15 juillet 2009 ; Cécile Guilbert, « Céline, tempo d’enfer », Le Monde, 4 juin 2009.
  3. Le Magazine des livres, juillet-août 2009. Titre en couverture : « Céline, un parfum de scandale. 60 ans après, le génie de l’écrivain à la lumière d’une drôle de vie ». Un recueil des textes de Philippe Sollers sur Céline est à paraître aux éditions Écriture dans la collection « Céline & Cie ».
  4. Yves Buin, Céline, Gallimard, coll. « Folio biographies », 2009, 480 p. Le klezmer est, rappelons-le, une tradition musicale des Juifs ashkénazes.